Togo : Manifestations violentes contre 50 ans d’autocratie
L’opposition togolaise manifeste depuis le mois d’août, pour demander le retour à la Constitution de 1992 et la démission du président Faure Gnassingbé, élu en 2005 et successeur de son propre père à la tête du pays depuis 1967. Le gouvernement a proposé une loi – encadrant le nombre de mandats à deux – qui prendrait effet lors des nouvelles élections de 2020. Sans contenter les manifestants qui craignent de voir l’actuel président se maintenir ainsi jusqu’en 2030.
Depuis cet été, les manifestations se multiplient, et sont violemment dispersées. A Mango, dans l’extrême-nord du pays, un enfant a été tué lors d’un rassemblement qui n’avait pas été autorisé et 25 personnes ont été blessées, dont dix par balles, selon une source proche de la présidence. Nous publions le témoignage poignant d’un représentant de l’antenne de la SIDH Togo la répression inacceptable du pouvoir et l’assassinat du collégien Agrigna Rachad.
. »Le corps du petit est exposé dans la cour du chef, La tension monte de nouveau a Bafilo cette soirée. Le corps du jeune décédé est déposé dans la maison du chef de canton afin qu’ il cherche ceux qui l’ ont tués. Et que ceux derniers viennent l’ enterrer. Le jeune Agrigna Rachad en classe de 3eme. Priez pour notre pays le Togo
La douleur est passée. Depuis peu, je ne ressens plus rien. J’ai vu mon corps allongé sur le lit mais je n’ai pas compris tout de suite. Je remarque que je suis plus léger. Au début, c’est fascinant pour cet enfant de 9 ans que je suis. Ensuite, j’entends les pleurs de mes sœurs en écho. Je leur demande pourquoi elles pleurent autant. Mais elles ne me répondent pas. Aucune ne daigne me regarder. Tout me revient en éclair. Des manifestations, « libérez le Togo », des soldats, des tirs… et moi qui essayait de me faufiler dans cette débandade.
Tout s’est passé si vite. J’ai souvent joué à plusieurs types de balle avec mes amis. Mais celle-ci était différente. Je ne l’ai pas vu arriver. Ma peau d’enfant a cédé et je l’ai senti me traverser la chair. J’ai été fort sur le coup, Mama. J’ai peut-être crié… Mais mes larmes n’ont pas coulé comme mon sang. Je ne sais pas qui a tiré. Je ne vois plus l’intérêt de chercher. Mon petit cœur a arrêté de battre. J’ai survécu 9 mois dans ton ventre pour perdre brutalement la vie dans le virage de mes 9 ans. Désolé si je n’ai pas eu le temps de te prévenir. J’entends encore toutes ces mélodies que tu chantais pour calmer mes pleurs la nuit. Aujourd’hui, j’espère qu’il y aura un ange pour te rendre la pareille dans cette douleur inimaginable. Ce soir, je ne rentrerai pas manger ce repas que tu aimes tant me faire. Dis à mes amis que je ne pourrai pas jouer le match tant attendu de ce samedi.
Bientôt, je ne serai qu’un souvenir. Ma mort n’est qu’un dégât collatéral. Des hommes, pour obtenir leur paix, m’ont arraché la vie. Ils dormiront bien ce soir. Ce n’est pas nouveau pour eux. Demain, au nom de « la Paix », ils recommenceront s’il le faut. Je ne suis pas digne que les médias parlent de moi. Ils demanderont, « qu’a-t-il fait pour le Togo ? ». Personne ne m’a laissé le temps d’essayer. Mon rêve d’être médécin a reçu une balle. Je l’ai regardé mourir au même moment que moi… sans pouvoir le soigner.
Pourquoi moi ? Parce qu’il faut toujours quelqu’un qui puisse supporter autant la douleur que le messie. Voyons le bon côté des choses. C’est la rentrée bientôt pour mes camarades du CM1, mais pour moi, les vacances seront éternelles.
Regarde, Mama. Mes vêtements changent de couleur. Ils deviennent si blancs. Dis aux togolais que le temps de s’aimer est exactement égal au temps d’une vie. Mama… regarde cette lumière en forme d’homme qui me tient par la main. Je crois qu’il est temps… Mama… N’oublie jamais… Je t’aime fort.
Lis et partage en mémoire du petit assassiné à Mango »