Poutine dit ce qu’il va faire et fait ce qu’il dit
Le président ruse brillait par son absence au sommet du G7… Pourtant il fut sans doute l’un des sujets de conversation des plus prisés par ses homologues. Quelques éléments à méditer pour mieux comprendre le patron du Kremlin…
- « La chute de l’URSS est la plus grande catastrophe géopolitique du 20eme siècle ».
- « Les frontières de la Russie sont celles de l’Union Soviétique ».
- « Nous pouvons être à Berlin, Varsovie ou Vilnius en 24 h » appuyé par :
– Dimitri Rogozine (Vice-président du gouvernement de Russie) : « Les chars russes n’ont pas besoin de visa pour l’Europe » ;
– les « Loups de la nuit », ces motards pro-Poutine et patriotes partis de Moscou pour Berlin, pour fêter les 70 ans de la victoire contre l’Allemagne, suivi trois semaines plus tard par des « Cosaques », symbolisant la capacité de là encore d’aller facilement jusqu’à Berlin.
- » la Fédération de Russie assurera la protection de minorités russes présentes sur les territoires extérieurs ».
Ce que fait Poutine :
- Une stratégie du fait accompli
C’est en 2008, l’l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, en 2014, la Crimée, aujourd’hui la déstabilisation de Donetsk et de Lougansk…
- Une guerre hybride qui s’appuie sur des outils déstabilisation : politiques, militaires, sociaux, diplomatiques (La Russie diffuse largement des passeports russes aux minorités présentes dans les pays voisins), économiques, énergétiques et d’information (propagande)
The Times a présenté les notes d’une rencontre entre généraux russes et officiers américains dans lesquels Moscou menace d’un spectre de réponses allant du nucléaire au non militaire si l’OTAN positionnait plus de forces dans les pays baltes « les mêmes conditions existant en Ukraine ayant « obligé la Russie à agir…. ».
Les messages :
- rhétorique de la paix (Poutine le 5 juin : il ne faut pas avoir peur de la Russie) mais positionnement de forces conventionnelles aux frontières, viol des traités internationaux (mémorandum de Budapest)…
- référence à l’orthodoxie et aux valeurs (mais soutien à Kadirov – Lavrov 22/04 ; l’organisation état islamique ennemi N°1 de la Russie, pas les Etats Unis : apothéose du discours sur la Russie agressée par les US, rempart contre l’islam) ;
- soutien aux minorités…
La dimension militaire :
- Des forces militaires conventionnelles massées aux frontières extérieures
- L’utilisation de sociétés militaires privées (officiellement strictement interdites) en Ukraine mais aussi en Syrie (« Slavonic corps » basés à Hongkong)
- L’installation de missiles balistiques Iskander au nord est de Kaliningrad till 2018 (Maj Gen Mikhail Matveyevsky – Tass 16 mai)
- L’instrumentalisation de l’humanitaire (les camions d’aide vers l’Est de l’Ukraine)…
- Et last but not least,…. le 26 mai 2015, un amendement législatif qui classifie comme secret d’Etat tout perte humaine survenue en temps de paix au cours d’opérations spéciales Poutine classifie les preuves de l’intervention aujourd’hui en Ukraine, en Syrie, demain…
La guerre de l’information :
- Les objectifs :
- légitimer son action dans les pays voisins,
- casser son isolement international lié aux sanctions,
- éviter une révolution de couleur en Russie (Poutine 20 novembre 2014) ;
« All the former USSR is Russia » (Euromaidan Press – Paul Goble – 28/5/2015) – dans le documentaire « The President » Poutine décrit un mode bipolaire Russie Etats-Unis se partageant les zones d’influence.
- Les cibles : les opinions publiques, leurs relais et les politiques des pays occidentaux et particulièrement européens, une information fondée sur la victimisation étant destinée aux russes pour les mobiliser contre « l’ennemi » ;
- Les moyens :
- Des médias tenus directement ou indirectement par le Kremlin
- Un budget dédié de 1,4 md $
- Des outils dédiés (Sputnik pour la France et le Royaume Uni, RT, Russia Today pour l’Allemagne et l’Espagne))
- Une méthode : créer la confusion plus que convaincre (ex : lancement de « La France voudrait couler le Mistral » repris par de nombreux médias, s’appuyer sur la liberté d’expression pour désinformer
La guerre énergétique :
Poutine s’appuie sur les géants énergétiques
- pour créer des alliances voire des dépendances technologiques et énergétiques en finançant et/ou construisant sur tous les continents (Ouganda, Argentine, Jordanie, Hongrie, Turquie…) des centrales nucléaires, des raffineries …, les contrats étant souvent liés ou conditionnés à des ventes d’armements
- Pour maîtriser les ressources stratégiques et les matières premières, et pas seulement pour les exploiter [1] (Arctique…)
Ainsi depuis avril 2015
- Un consortium russe (Rostec 60% avec appuis financiers Corée du Sud) va construire la première raffinerie en Ouganda (3md dollars- 60 000 barils / jour) ;
- Un accord sur l’ensemble du cycle entre Amman et Moscou pour la construction d’une centrale nucléaire à Amra au nord d’Amman en Jordanie (24 mars 2015) par un consortium Rosatom / Atomstroyexport (49%) – 1000 MW, – 2023 ;
- Des accords bilatéraux entre la Russie et l’Argentine (Kirchner /Poutine Moscou 23 avril) sur l’énergie nucléaire (l’Argentine est en train de construire sa quatrième centrale, le réacteur Atucha III -2,2 mds euros) et sur la coopération militaire avec l’éventuelle fourniture par la Russie d’avions de transport militaire qui seraient utilisés en Antarctique ( ?!°) et discussions avec le Venezuela [2]
- La construction d’une centrale (2X 1200MW – 2023) à Paks en Hongrie par la Russie avec un approvisionnement russe limité à 10 ans et un accord avec Euratom pour limiter la dépendance. Paks représente 40% de la consommation hongroise. Secret sur l’accord qui pourrait être lié à un prêt russe de 10md d’euros sur les 12,5 ;
- La construction d’une centrale nucléaire à Akkuyu au sud de la Turquie (-1200 MW19md d’euros) avec Rosatom comme maitre d’œuvre. Projet de seconde centrale à Sinop au nord (15md d’Euros) par un consortium Mitsubishi, Itochu et Engie ;
- L’exploitation dans l’Arctique, à Sabetta, appelé aussi Ioujno Tambeiskoe, d’un gigantesque champ gazier par Yamal LNG, Novatek (Russe), Total et CNPC (Chinois) ;
- La signature d’un contrat de fourniture d’uranium enrichi d’Areva pour l’électricien ukrainien Energatom.
- Un accord d’approvisionnement en gaz issu du projet Yamal LNG entre Engie (GDF Suez ) et Novatech à partir de 2018 et pour une durée de 23 ans.
A noter aussi :
- Début avril 2015, le ministre grec de l’énergie Panagiotis Lafazanis était à Moscou pour traiter de la question gazière et du projet de gazoduc Turkishstream ;
- Des tensions entre la Russie et Turkménistan qui considère Gazprom vers lequel il exporte 4 mds m3) comme un partenaire instable (février 2015). Il pourrait se réorienter vers l’Iran (10mdm3) et la Chine (60md) ;
- La Russie et le Vietnam signent un accord de libre échange le 29 mai (objectif contrebalancer les sanctions occidentales).
[1] « Pour toute l’énergie du monde » Viviane Du castel et Julie Monfort
[2] Lavrov (27/5/2015) : les relations avec l’Amérique Latine constituent un élément essentiel pour la construction d’un monde plus équilibré multipolaire et démocratique. Pour Mme Rodriguez, ministre vénézuélien des affaires étrangères, elles peuvent changer la situation géopolitique mondiale tout en respectant les principes du droit international pour limiter l’hégémonie et les prétentions de conquête du entre impérialiste. Nous avons discuté de la façon dont pouvait être organisé le marché mondial du pétrole (Le Venezuela comme la Russie ont fortement souffert de la chute du prix du baril tombé en dessous de 50 dollars fin 2014 »