« L’Afghanistan peut s’approcher de la démocratie aux présidentielles de 2014 »
La SIDH recevait -le 13 juin dernier- Patricia Lalonde, engagée longuement en Afghanistan dans la défense et la formation des femmes. Malgré une actualité alarmante, la directrice de l’ONG Mewa exprime de sincères espoirs dans les prochaines élections présidentielles d’avril 2014…
Son engagement afghan débute par hasard à Alger, en 1997, alors que le pays est encore sous le feu du GIA (Groupe islamique armé). Lors d’une réunion de soutien aux Algériennes, une participante l’alerte sur les horreurs des Taliban perpétrées contre les femmes dans son pays d’origine : l’Afghanistan.
Alors que l’opinion ne veut encore rien savoir des Taliban, elle organise en 2000, un forum à Douchanbé, au Tadjikistan – faute de ne pouvoir l’organiser à Kaboul. Un succès. 200 femmes venues d’Afghanistan viennent témoigner et rencontrer des journalistes occidentaux venus pour trois jours de conférence. « J’y découvre des musulmans pieux et tolérants, dit-elle, à l’opposé des Taliban ». La conférence est l’occasion de rencontrer la femme du commandant Massoud et de créer une charte qui sera signée par le président Rabbani, puis par l’ONU – à l’exception des pays arabes.
Patricia Lalonde croise Massoud en août 2001, quelques jours avant sa mort. « Il rentrait d’Europe, raconte-t-elle, où il avait tenter d’alerter les gouvernements sur l’imminence d’une attaque d’Al-Qaida en Occident ». Le 9 septembre 2001, le tigre du Panjshir est assassiné dans le but stratégique d’ébranler l’Alliance du nord et de démobiliser ses combattants en guerre contre les Taliban. Une mort heureusement gardée secrète si bien que ses combattants pourront « aider l’armée de Libération occidentale lors de son déploiement en 2002… »
Entre 2002 et 2005, la Française prend régulièrement la route de l’Afghanistan jusqu’à Mazar et Sharif, dans le nord du pays. « De 2002 à 2007, j’ai vu pousser les écoles partout», témoigne celle qui contribuera d’ailleurs au financement d’un lycée pour 5000 enfants.
Elle se consacre ensuite à la formation des élues et son association Solidarité Panjshir devient Mewa (le « fruit » en dari mais aussi l’acronyme de Mobilisation for Elected Women Audience). Après les élections de 2004, lors desquelles 25% des députés sont des femmes -un record comparé à la France-, elle se consacre à leur formation. Elle emmène ainsi une délégation de 30 parlementaires à Paris en 2006, en partenariat avec Vital Voices et, l’année suivante, une vingtaine à Istanbul. « Un enseignement qui leur apprendra à écrire et faire passer des lois formidables en Afghanistan », se félicite-t-elle.
« Tout bascule entre 2007 et 2009, quand les Taliban commencent à revenir et que les présidentielles sont truquées afin de conforter Karzaï pour un second mandat ». La Conférence de Londres n’arrangera rien : « On a voulu acheter les Taliban tout en annonçant un départ des troupes occidentales : ce fut un échec ! », déplore la directrice de Mewa…
Son dernier séjour à Kaboul en septembre 2012 fut certes, l’occasion de constater le « retour des attentats et des voiles ». Mais, assure-t-elle, « les présidentielles de 2014 verront le départ – constitutionnel- de Karzaï. Et si conclue-t-elle, nombre de Pachtounes ont été déçu par l’homme des Américains, ils ne voteront jamais pour les Taliban… ».
Patricia Lalonde est l’auteur de deux livres :
– Paris Kaboul, journal d’une femme révoltée
– Abdullah, Abdullah, l’Afghan qui dit non aux talibans