La dérive des Droits de l’homme
La philosophe des droits de l’homme va t-elle être capable de se guérir des maux qu’elle a, en partie, engendrée ? Aujourd’hui la tendance est, en effet, d’utiliser les Droits de l’homme dans les domaines économiques, sociaux, sociétaux … tout devient Droits de l’homme.
On aboutit ainsi à une forme d’individualisme de masse qui justifie toute sorte de revendications et sert même d’alibi à certaines idéologies contraires aux principes mêmes de ces droits. N’a t-on pas vu, récemment, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) être saisie d’une demande visant à faire de l’eugénisme un « droit de l’homme » ou encore certains revendiquer un droit à « l’avortement post-natal » …. Au nom de ceux-ci encore, un Etat ne pourrait s’opposer au port de la burka !
Le problème semble relever d’une confusion sur la nature des Droits.
Parle-t-on de la même chose lorsqu’on parle du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, du droit à ne pas être inquiété pour ses opinions et d’un éventuel droit à l’eugénisme ?
Certainement pas ! La situation actuelle en Syrie ou au Mali, les massacres de masse ou les enlèvements, la répression des opposants en Chine ou en Russie, sans oublier ceux de Cuba ou de la Corée du Nord, les menaces proférées par certains groupes islamistes et le respect dû aux handicapés mentaux, le droit à l’eau, au logement ou à la vie… ne sont d’évidence pas de même nature et n’appellent pas le même type de réponse.
Il convient donc de définir des priorités, de faire preuve de discernement et de hiérarchiser les droits.
L’homme est le seul animal susceptible de revendiquer des droits. Il peut certes en attribuer aux animaux et peut-être un jour en reconnaîtra-t-il aux machines. Mais lui seul est conscient que sa nature lui donne des droits Ce n’est pas le droit qui fonde la nature humaine mais le contraire : c’est parce que l’homme est naturellement investi d’une dignité qui transcende la nature et l’histoire qu’il a des droits. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’il a des droits, que l’homme doit être respecté, mais parce qu’il doit être respecté qu’il a des droits. Les droits de l’homme ne trouvent aucune justification en eux-mêmes. Ils expriment une dimension de la personne irréductible à ses conditionnements biologiques ou historiques.
La notion de dignité de la personne humaine manifeste une réalité métaphysique antérieure à l’élaboration du droit positif. L’homme n’est pas la cause lui-même. Sa dignité ne lui est pas octroyée de vouloir d’homme mais est inhérente à sa nature : elle ne saurait donc lui être retirée. Elle est invariante et absolue ou elle n’est pas. Ainsi l’homme est plus que ses droits, comme il est plus que ses molécules ou ses comportements, et ce plus n’est pas de nature juridique. Rien ne saurait donc le déposséder de cet élément éthique que le droit est censé lui garantir. L’ambiguïté de la notion de droits de l’homme tient précisément au fait qu’elle confond la fin – la dignité de la personne – et les moyens de promouvoir cette dignité – le droit – qui lui-même désigne à la fois l’instrument juridique et la permissivité.
C’est cette vision de la dignité de la personne humaine qui fonde l’action de la SIDH. Il s’agira donc de privilégier la défense des droits civils et politiques car l’expérience montre que la dignité de la personne n’est jamais respectée s’ils sont bafoués (voir « Qui sommes-nous ? »)
« Seul l’esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’homme »
Antoine de Saint-Exupéry, final de Terre des Hommes
Jean François Lambert
Sabine Renault-Sablonière