De la complémentarité entre la diplomatie et les ONG de Droits de l’Homme
Dans son livre : La diplomatie au péril des valeurs, l’Ambassadeur Jean de Gliniasty constate que la diplomatie française, qui était une grande diplomatie, ne l’est plus. Il essaie de comprendre – et de montrer – pragmatiquement pourquoi.
Sa démonstration sur la tendance de la diplomatie française à toujours ramener au premier plan des négociations « les valeurs et les droits de l’homme » est, au premier abord convaincante. Ces concepts, selon l’auteur, seraient lénifiants et rendraient, peu à peu, inaudible la voix de la France dans le monde.
Au deuxième abord, on se dit que si l’Ambassadeur a raison, la diplomatie a un rôle qui doit être équilibré par celui des ONG.
En l’occurrence, à la Société Internationale des Droits de l’Homme (SIDH), nous affirmons certaines valeurs, notamment la suprématie de la démocratie sur les autres régimes politiques et la primauté des droits dits de la première génération.* Tout citoyen du monde doit avoir le droit d’exprimer une opinion, la presse doit avoir sa liberté d’expression et les femmes, le choix de leur destin. La liberté d’association et la séparation des pouvoirs doivent être garanties. Enfin, notre rôle est d’analyser les causes des atteintes aux droits de l’homme (celles de la première génération sont souvent dues à la politique de la femme ou de l’homme à la tête d’un Etat) et d’aider les porteurs de solutions alternatives à se faire connaître, tout en étant vigilant aux équilibres géopolitiques.
Enfin, au troisième abord, l’idée vient à l’esprit que les diplomates et les responsables d’ONG feraient bien de relire Raymond Aron qui incite l’action diplomatique à trouver le point d’équilibre entre l’éthique de la responsabilité et celle de la conviction. L’enjeu est, bien évidemment, de définir les moyens d’y parvenir. Les ONG, telle que la SIDH, existent pour apporter leur contribution par leurs réflexions et leurs actions.
Comme l’a souligné Bénédicte Renaud-Boulesteix*, lors d’un colloque qui s’est tenu en juin dernier à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS ): « Si Aron a permis de faire jour à un réalisme prudent, à une sagesse moderne, sa réflexion ouvre également la voie au développement d’une responsabilité de la paix servie par une éthique de la puissance et laisse place à l’analyse d’un idéalisme avisé. »
Plutôt que d’avoir peur des « valeurs » avec Gliniasty, reprenons à notre compte l’idée aronienne : « ni réalisme pur ni moralisme absolu ».
Mon conseil : Lisez ou relisez Paix et guerre entre les nations de Raymond Aron.
*Les Droits de l’Homme de la première génération regroupent les libertés et les droits politiques, ceux de la deuxième génération concernent les droits sociaux et ceux de la troisième : le droit à l’environnement, au logement, au développement …
**La diplomatie au péril des « valeurs », Jean de Gliniasty , Editions L’Inventaire
***Bénédicte Renaud-Boulesteix est docteur en études politiques (EHESS-CESPRA), diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et ancienne élève de l’Ecole nationale de l’administration.
Ses recherches portent essentiellement sur les rapports entre morale et politique dans les contextes de crise de la démocratie libérale et de crises internationales.