La Turquie tourne le dos à la démocratie
Dans la soirée du vendredi 15 juillet, une partie de l’armée turque a tenté de prendre le pouvoir à Istanbul et dans la capitale politique, Ankara. Bloquant l’accès des deux ponts enjambant le Bosphore, s’emparant de l’aéroport Atatürk et prenant le contrôle des télévisions, les putschistes affirmèrent avoir pris le pouvoir pour « protéger l’ordre démocratique et les droits de l’homme ».
Toute la nuit, la situation fut confuse et les militaires, partisans ou opposés au Président Recep Tayyip Erdogan, s’affrontèrent. Le 16 juillet en fin de matinée, alors que le putsch avait échoué, le Premier Ministre turc, Binali Yildirim, annonça que 161 tués et 1440 blessés étaient à déplorer du côté des forces loyalistes et des civils. Auparavant, le chef de l’armée avait fait état de 104 putschistes abattus.
Très tôt dans la nuit, le Président Erdogan avait accusé son ennemi juré, Fethullah Gülen, d’être l’instigateur de ce putsch, ce que l’intéressé a vivement nié.
Mais cette tentative de putsch, quels que soient ses auteurs et ses raisons, a eu un résultat clair : nous assistons aujourd’hui à « l’avènement d’un calife islamiste narcissique et vindicatif », selon les termes du journaliste lituanien Rimvydas Valatka (Delfi.lt).
En effet, dans les jours qui suivirent, ont été arrêtés, démis ou révoqués (bilan au 19 juillet 2016 à 14H30) :
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15 200 fonctionnaires du Ministère de l’Education
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8 777 fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur
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7 850 officiers de police
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6 000 soldats
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2 745 juges (dont 10 juges de la Cour suprême)
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1 577 doyens d’Universités
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1 500 fonctionnaires du Ministère des Finances
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614 gendarmes militaires
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492 responsables religieux
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370 journalistes de la radiotélévision d’Etat
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257 fonctionnaires de l’administration du Premier Ministre
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103 Généraux et Amiraux
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47 gouverneurs de districts
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30 gouverneurs de provinces
La rapidité de plus de 45 000 arrestations ou mises à pied semble indiquer à l’envi que les listes étaient déjà prêtes ! Certains sont même allés jusqu’à prétendre que c’est Erdogan lui-même qui avait organisé le putsch ou qu’a minima il l’avait laissé faire. En tout état de cause, à qui fera-t-on croire qu’en 48 heures on ait pu établir que, entre autres, 2 745 juges et 1 577 doyens d’Universités étaient complice des putschistes.
On peut en outre s’inquiéter d’avoir vu des partisans d’Erdogan descendre dans la rue aux cris de « Allah-u Akbar, tuant des soldats (qui, souvent, ne savaient pas vraiment qu’ils participaient à un putsch), urinant sur leur cadavre et décapitant même l’un d’eux à la manière de Daech. Il est donc quelque peu dérangeant d’avoir vu les dirigeants de l’UE féliciter le régime turc d’avoir défendu la démocratie face aux soldats ! Les yeux se sont toutefois, semble-t-il, dessillé lorsque le Président Erdogan a déclaré que, si on lui présentait une loi visant à rétablir la peine de mort, il la signerait sans hésitation !
Aujourd’hui, alors qu’elle était un modèle démocratique pour le monde musulman, la Turquie a décidé de renoncer à l’Europe, à la démocratie et aux droits de l’homme
La SIDH condamne ces agissements et restera vigilante.